email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

LOCARNO 2023 Compétition

Critique : Critical Zone

par 

- Le troisième film d'Ali Ahmadzadeh défie le régime autoritaire iranien en brossant le tableau d'une société imprévisible et épuisée qui ne croit plus à rien hormis les paradis artificiels

Critique : Critical Zone
Shirin Abedinirad dans Critical Zone

Critical Zone [+lire aussi :
bande-annonce
fiche film
]
, le troisième long-métrage du réalisateur iranien Ali Ahmadzadeh, s'inscrit dans la lignée de ses films précédents, Kami’s Party (présenté en première mondiale au Festival Black Nights de Tallinn en 2013) et Atomic Heart (sélectionné dans la section Focus de la Berlinale en 2015), en s'immergeant dans les entrailles d’une ville de Téhéran bien plus complexe que ce que les autorités politiques et reiigieuses qui dirigent le pays veulent nous faire croire. La personne qui nous guide dans les méandres d'une société souterraine et désenchantée est Amir (Amir Pousti), un dealer à l'aura messianique qui navigue dans les rues de la ville, guidé par la voix douce et décidée de son GPS, pour réconforter ceux qui ne croient plus à rien d'autre qu'aux fumées psychotropes.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

À mi-chemin entre The Big Lebowski et Orange mécanique, Critical Zone, en lice pour le Léopard d'or du Festival de Locarno, met en scène les tourments de ceux qui, sans pouvoir l’exprimer à voix haute, ne croient plus en ce qui les entoure : ni la politique, ni la religion et encore moins l'autorité morale qui voudrait étouffer leurs instincts et leurs désirs les plus profonds.

Comme le souligne son réalisateur lui-même, ce film est peuplé de vraies personnes (les différents passagers/clients qu'Amir accueille dans sa voiture ou qu’il rencontre dans l'obscurité de la nuit) : des consommateurs réguliers, un assistant sur les vols de contrebande de retour d’un voyage à l'étranger, une mère à la mentalité conservatrice qui cherche à sauver son fils toxicomane en pleine dérive, un groupe de prostituées transsexuelles dévotes que le réalisateur filme dans un esprit à la fois documentaire et expérimental, parfois mâtiné de psychédélisme. "Tourner ce film a été une rébellion. Le montrer est pour nous une victoire encore plus grande", explique le réalisateur, dont les films sont interdits par le régime de son pays. Critical Zone, tourné sans autorisations, avec des caméras souvent cachées, en cherchant constamment à contourner des interdictions qui se transforment en occasions d’expérimenter de nouvelles manières de faire du cinéma, cherche à montrer, de manière directe et instinctive, ce qui bouillonne dans les entrailles d'une société opprimée qui se rebelle comme elle peut, dans les ténèbres nocturnes, contre des préceptes désormais vides de sens.

Amir se transforme alors pour ses adeptes en quelque chose de bien plus indispensable qu'un simple dealer. Sa présence, silencieuse mais forte, agitée mais bienveillante, devient pour les âmes errantes de la ville de Téhéran une ressource indispensable. L'univers parallèle et surréaliste qu'il crée, grâce à ses "potions magiques" mais aussi ses paroles réconfortantes incantatoires, libère ceux qui en jouissent de l'oppression de la censure qui les entoure, ne serait-ce que le temps d'une nuit. Critical Zone donne littéralement la parole à une nouvelle génération qui cherche à exister malgré tout.

Même si c’est de manière agitée, à la croisée du road movie, de la performance et du trip psychédélique, Critical Zone parvient à nous faire accéder à une réalité tenue jalousement secrète. Au-delà des véritables aventures que vit Amir, le film se déploie dans de nombreuses autres directions : les rapports désinvoltes entre hommes et femmes (fortes), la fluidité de genre, incarnée par Amir lui-même, le besoin de tendresse dont tout est empreint.

Pour rentrer dans le film, il faut impérativement s'abandonner, se laisser guider par la voix séduisante du GPS d'Amir, en sachant qu'on ne sait pas où l'on va. Parfois, ne pas tout comprendre est la clef pour découvrir des réalités surprenantes.

Critical Zone a été produit par la société allemande Counter Intuitive Film. Les ventes internationales du film sont assurées par Luxbox.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

(Traduit de l'italien)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy