email print share on Facebook share on Twitter share on LinkedIn share on reddit pin on Pinterest

IFFR 2023 Compétition Big Screen

Critique : Luka

par 

- Jessica Woodworth transpose les questionnements posés par Le Désert des Tartares dans un film somptueux, sis dans un futur post-apocalyptique qui nous interroge sur notre présent

Critique : Luka
Jonas Smulders dans Luka

Obéissance. Endurance. Sacrifice. Tels sont les trois maîtres-mots qui rythment la vie des hommes de fort Kairos. Par un matin qui ressemble à tant d’autres débarque Luka, comme tombé du ciel, jeune sniper prodige, qui vient prêter assistance à cette troupe réunie dans l’attente angoissée d’un ennemi invisible : les hommes du Nord. D’abord euphorisé par ce programme commun, combattre et résister, Luka perçoit peu à peu que l’étrange atmosphère qui règne sur le camp relève plus de la grande illusion que d’une menace réelle. Le collectif, d’abord impressionnant, semble bientôt sombrer dans une sorte de dégénérescence nourrie par un culte entretenu par le haut commandement, dont les ordres jamais ne sont remis en doute. Alors quand Luka va oser questionner, c’est tout l’édifice qui va se met à trembler sur ses bases.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

La force de douter, Luka va la puiser dans l’amitié qu’il noue avec deux autres soldats, une amitié qui passe par le rapport charnel, une relation intense mais mystérieuse, comme si les corps racontaient des histoires que les mots, cadenassés par le mythe fondateur de l’ennemi invisible, ne pouvaient plus formuler. Ce sont les corps qui résistent, avant les esprits.

Dans Luka [+lire aussi :
bande-annonce
interview : Jessica Woodworth
fiche film
]
, une vision habitée du classique de Dino Buzzati Le Désert des Tartares présenté dans la section Big Screen de l’IFFR, la réalisatrice Jessica Woodworth, en compagnie de sa talentueuse directrice de la photographique Virginie Surdej, filme ces corps au plus près, en mouvement souvent, en 16mm et dans un noir et blanc somptueux. Si les décors intimidants qui composent le Fort Kairos font l’objet de tableaux méticuleux, souvent symétriques, les corps, quand ils ne sont pas contraints par la hiérarchie, sont mouvants, dansants même, matière fluide et résolument indomptable.

On sent ainsi tout le poids des édifices et des reliefs, une digue désaffectée, trouvée en Sicile, et l’Etna, menaçant. Dans l’oeuvre de Jessica Woodworth, les lieux font partie intégrante de la dramaturgie (on pense notamment à l’île croate de Tito, Brijuni, transformée en sanatorium dans son dernier film The Barefoot Emperor [+lire aussi :
critique
bande-annonce
interview : Jessica Woodworth
fiche film
]
). Fort Kairos ici, présence menaçante, semble insuffler la devise des lieux.

Pour incarner ce récit, et cette réflexion symbolique sur l’inanité des conflits qui animent l’humanité, et le besoin de récits collectifs pour la contrôler, cette charge contre l’absurdité militaire et l’allégeance du groupe à un commandement autoritaire, il fallait un guide qui entraine et accompagne le spectateur. C’est le rôle dévolu à Luka, interprété par le magnétique Jonas Smulders. A ses côtés, on retrouve des acteurs aux origines multiples, les excellents Belges Sam Louwyck ou Jan Bijvoets, le très charismatique comédien arménien Samvel Tadevossian, ou dans un rôle inattendu, trouble et fluide, la comédienne Géraldine Chaplin, déjà spectaculaire dans le précédent film de la réalisatrice.

Luka est produit en Belgique pour Bo Films par Peter Brosens (qui avait co-réalisé avec Jessica Woodworth ses cinq précédents longs métrages tout en les produisant déjà), et coproduit par Krater Films (Belgique), Beluga Tree (Belgique), Volya Films (Pays-Bas), Domino (Arménie), Art Fest (Bulgarie), Palosanto Films (Italie). Les ventes internationales sont assurées par Films Boutique.

(L'article continue plus bas - Inf. publicitaire)

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre newsletter et recevez plus d'articles comme celui-ci, directement dans votre boîte mail.

Privacy Policy